L’agromine


Anglais

L’agromine est la filière comprenant l’établissement d’agrosystèmes dédiés à l’extraction d’éléments métalliques stratégiques contenus dans les sols, suivi de leur récupération et de leur transformation pour un usage industriel (Morel, 2014). Il s’agit de l’extension de la phytomine dans une chaine agricole intégrée. Cette filière s’appuie sur les plantes dites « hyperaccumulatrices » comme opération unitaire de concentration et de séparation.

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1. Les plantes hyperaccumulatrices

Les hyperaccumulateurs sont des plantes naturelles capables d’accumuler de grandes quantités de métal contenu dans le sol. Ils ont reçu une attention particulière depuis les années 1990 en tant qu’outil pour la remédiation des sols pollués.

Le plus grand nombre d’hyperaccumulateurs connu concerne le nickel. Ce dernier doit être transloqué dans les feuilles à une concentration supérieure à 0,1 % en masse de matière sèche, pour que la plante appartiennent à ce groupe. Près de 400 espèces sont aujourd’hui recensées (130 à Cuba, 65 en Nouvelle Calédonie, 59 en Turquie…). Parmi ces plantes, certaines sont appelées « hypernickelophores » (> 1 % de Ni) avec des teneurs pouvant atteindre 6 % dans les feuilles et 25 % dans les latex (van der Ent et al., 2015). Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer ce phénomène naturel, comme la protection des organes vitaux contre la toxicité du métal par stockage dans des zones externes, ou une adaptation pour lutter contre les attaques des herbivores et des pathogènes.

L’objectif de l’agromine est de cultiver ces plantes pour récupérer le métal accumulé et le valoriser. Les bons candidats sont des espèces pouvant être récoltées annuellement, avec une quantité importante de biomasse et une concentration la plus élevée possible dans les tissus.

2. Les atouts de l’agromine

L’utilisation de l’agromine comme technologie de valorisation des métaux présente de nombreux avantages :

  • l’exploitation de sources secondaires non-conventionnelles, car trop pauvres en métal, multi-contaminées, ou de gisement  faible. Les plantes permettent de concentrer et parfois d’être spécifique à l’élément ciblé.
  • l’utilisation de terres peu fertiles (avec très faible productivité alimentaire) en raison de la présence du métal. L’agromine peut apporter un revenu complémentaire aux exploitants agricoles.
  • la création de nombreux services écosystémiques, particulièrement sur les friches industrielles, avec l’augmentation de la biodiversité par la végétalisation et la détoxification des sols.

 

3. Les travaux scientifiques antérieurs

Les travaux scientifiques antérieurs des partenaires du projet Agromine se sont principalement focalisés sur la phytomine du nickel à partir de l’hyperaccumulateur Alyssum murale, sur des sols naturels.

Les premiers parcelles de phytomine à visée agronomique ont été implantées sur les sols ultramafiques d’Albanie. Ils ont permis de montrer qu’il était possible d’extraire plus de 120 kg de Ni par hectare, avec une concentration dans la biomasse sèche proche de 1 % (Bani et al., 2007, 2009, 2015). L’étude de la phénologie d’A. murale a montré que l’étape de mi-floraison est la meilleure pour maximiser la quantité de Ni récoltée. Cet hyperaccumulateur est très efficace pour prendre le phosphore du sol, mais ce paramètre est rarement limitant pour la croissance de la plante. En revanche, la fertilisation en azote permet d’augmenter par 3 le rendement en biomasse en conditions réelles. De plus, A. murale demande (comme beaucoup d’hyperaccumulateurs de Ni) de grandes quantités de potassium, très fortement accumulé dans les pousses (> 1 %) (Zhang et al., 2014). Les acides carboxyliques (citrate, malate) semblent être les principaux ligands responsables du transfert du nickel des racines vers les feuilles (Montargès-Pelletier et al, 2008).

L’approche choisie pour valoriser l’élément ciblé est l’hydrométallurgie directement sur A. murale ou sur ces cendres après combustion. Une lixiviation sur la biomasse sèche suivie d’une extraction et d’une opération d’électrodéposition a permis de récupérer du nickel sous forme métal (Barbaroux et al., 2011). Cependant, pour des raisons de viabilité économique, la voie de lixiviation acide sur les cendres est actuellement privilégiée. Ces dernières, véritable bio-minerai avec des teneurs en Ni pouvant atteindre 20 %, permettent de produire un sel double (sel de Tutton) utilisé dans l’industrie du traitement de surface : l’ANSH (Ammonium Nickel Sulfate Hexahydrate) de formule Ni(NH4)2(SO4)2, 6H2O (Barbaroux et al., 2012). Les étapes de ce procédé breveté (Mercier et al., 2012) ont été optimisées pour réduire les consommations d’énergie et de réactifs et pour obtenir un sel de pureté supérieur à 99 % .

D’autres dérivés inorganiques sont actuellement en court de développement et une start-up nommée Econick ayant pour vocation la production de ces composés bio-sourcés a été créée en 2016.

 

4. Les collaborations

Les partenaires du projet Agromine ont des partenariats internationaux en cours sur la phytomine avec :

  • l’Université du Queensland (Australie, Pr. Baker, Dr. Vaughan)
  • l’Université d’Agriculture de Tirana (Albanie, Pr. Bani)
  • l’Université de Sun Yat-sen (Chine, Pr. Qiu)
  • l’INRS-ETE (Canada, Pr. Blais, Pr. Mercier)

 

5. Pour en savoir plus

  • Bani A., Echevarria G., Sulçe S., Morel J.L., Mullai A., 2007. In-situ phytoextraction of Ni by a native population of Alyssum murale on an ultramafic site (Albania). Plant and Soil, 293(1):79-89.
  • Bani A., Echevarria G., Mullaj A., Reeves R., Morel J.L., Sulce S., 2009. Nickel Hyperaccumulation by Brassicaceae in Serpentine Soils of Albania and Northwestern Greece, Northeastern Naturalist, 16:385-404.
  • Bani A., Echevarria G., Sulce S., Morel J.L., 2015. Improving the Agronomy of Alyssum Murale for Extensive Phytomining: A Five-Year Field Study. International Journal of Phytoremediation, 17:117-127.
  • Barbaroux R., Mercier G., Blais J.F., Morel J.L., Simonnot M.O., 2011. A new method for obtaining nickel metal from the hyperaccumulator plant Alyssum murale. Separation and Purification Technology, 83:57-65.
  • Barbaroux R., Plasari E., Mercier G., Simonnot M.O., Morel J.L., Blais J.F., 2012. A new process for nickel ammonium disulfate production from ash of the hyperaccumulating plant Alyssum murale. Science of the Total Environment, 423:111-119.
  • Van der Ent A., Baker A.J., Reeves R.D., Chaney R.L., Anderson C.W.N., Meech J.A., Erskine P.D., Simonnot M.O. , Vaughan J., Morel J.L., Echevarria G., Fogliani B., Rongliang Q., Mulligan D.R., 2015. Agromining: Farming for Metals in the Future? Environmental Science & Technology, 49(8):4773-4780.
  • Mercier G., Barbaroux R., Plasari E., Blais J.F., Simonnot M.O., Morel J.L., 2012. Procédé de production d’un sel de sulfate double de nickel et d’ammonium à partir de plantes hyperaccumulatrices. International patent PCT/CA2012/050059.
  • Montargès-Pelletier E., Chardot V., Echevarria G., Michot L.J., Bauer A., Morel J.L., 2008. Identification of nickel chelators in three hyperaccumulating plants: An X-ray spectroscopic study. Phytochemistry, 69(8):1695-1709.
  • Morel J.L., Chenu C., Lorenz K., 2014. Ecosystem services provided by soils of urban, industrial, traffic, mining, and military areas (SUITMAs). Journal of Soils and Sediments. DOI: 10.1007/s11368
  • Zhang X., Houzelot V., Bani B., Morel J.L., Echevarria G.,Simonnot M.O., 2014. Selection and combustion of Ni-hyperaccumulators for the phytomining process. International Journal of Phytoremediation, 16(10):1058-1072.